Après The Kingdom of Dreams and Madness le second film que je suis allé voir dans le cadre du festival Kinotayo est à nouveau un documentaire et se nomme The Horses of Fukushima, ou Matsuri no uma au Japon. En combinant les 2 titres on obtient tout simplement les 3 thèmes de ce film à savoir : les chevaux, Fukushima et matsuri (festival traditionnel japonais).
Je ne sais pas pourquoi cela a été renommé de la sorte chez nous mais une chose est sûre l’oeil occidental va tout de suite se focaliser sur le mot Fukushima. C’est d’ailleurs l’un des sujets de prédilections du réalisateur, Yôju MATSUBAYASHI (dont vous en apprendrez plus dans l’interview que j’ai réalisé de lui), puisque qu’après « Fukushima: Memories of the Lost Landscape » où il se focalisait sur la situation de personnes restées dans la zone des 20 km après la catastrophe de Fukushima c’est maintenant à celle des chevaux qu’il s’intéresse.
Les premières images du film sont d’ailleurs assez crues et fortes émotionnellement car il nous passe en images fixes les dégâts indirects de la catastrophe avant son arrivée sur place : Après avoir survécu miraculeusement au tsunami qui avait englouti l’écurie, les chevaux de Monsieur Tanaka ont dû être abandonnés lorsque l’évacuation temporaire de la zone des 20km autours de la centrale nucléaire Fukushima Daiichi a été ordonnée. Leur maitre leur a donné le maximum de nourriture mais à son retour, 2 semaines plus tard, 9 (sur 38) avaient péri. Nous sommes alors 20 jours après le 11 mars 2011 et Yôju MATSUBAYASHI arrive avec sa caméra chez Tanaka et décide de raconter l’histoire du destin méconnu de ces chevaux, victimes silencieuses de la catastrophe. Cette histoire aurait d’ailleurs pu tourner rapidement court lorsque le 22 avril le gouvernement décrète l’évacuation immédiate, et cette fois-ci définitive, de la zone des 20km, dans laquelle se trouve malheureusement la ville de Minami-Sôma. On ordonne alors à monsieur Tanaka d’abattre l’ensemble ses chevaux, il refuse, et va alors jouer un atout qui va marcher : le matsuri de Soma-Nomaoi.
Les chevaux de Tanaka ne sont pas n’importe qui, localement ce sont même des stars qui sont mis en valeur lors du festival de Soma-Nomai, vieux de 1000 ans et classé Bien immatériel de la culture populaire japonaise. Chaque année, au mois de juillet et durant 3 jours, s’enchaine épreuves et cérémonies hautes en couleurs servant à remercier le cheval : il y a tout d’abord le Koshiki Kacchu Keiba, où des cavaliers samurai en armure, casqués et portant le katana s’affrontent sur une course de 1000 mètres, puis le Shinki Sodatsusen au cours duquel plusieurs centaines de samurai à cheval luttent pour obtenir 40 étendards représentant chacun un sanctuaire et enfin le magnifique feu d’artifice qui est tiré au même moment que le lancer d’étendards. Les autorités n’ont pu ignorer l’importance de cette tradition et ont alors autorisé Tanaka a évacué l’ensemble de ses chevaux dans une commune voisine, hors de la zone des 20km. Considérés comme irradiés et donc dangereux ils seront toutefois confinés dans leur nouvelle écurie.
Dès le début Yôju MATSUBAYASHI va tisser le fil rouge de son documentaire autour de la situation particulière de Mirror’s Quest, l’un des chevaux de Tanaka (celui figurant sur l’affiche du film), dont l’infection du pénis symbolise à la fois les conséquences d’une irradiation (qui peux provoquer la stérilité) mais également représentant la forme du champignon de l’explosion de la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi. Comme ce sont les chevaux les héros de ce film il y a assez peu de dialogue mais les émotions de Mirro’s Quest & co sont très bien retranscrits à l’écran : aussi bien leurs cris de « joie » quand on leur amène leur foin, mais également lors de diverses scènes du quotidien (préparation de son « lit », liberté retrouvée dans un pré, évasion de son enclos, …) plus vraies que nature. On arrive presque à comprendre ces chevaux rien qu’en les écoutant et regardant. Dans leur malheur ces chevaux ont finalement été sauvé par la catastrophe de Fukushima et auront une vie plus longue que prévue étant donné qu’ils ne rejoindront pas l’abattoir après que leur viande ait été classée comme impropre à la consommation.
C’est donc encore une fois un film / documentaire que je recommande fortement pour peu que vous vous intéressez aux chevaux, aux matsuri, aux conséquences de Fukushima ou plus généralement au Japon. En plus de l’émotion ressentie pour ces chevaux vous en apprendrez également beaucoup sur la gestion immédiate de la catastrophe de 2011 ainsi que sur la population locale.